On est samedi soir.
Pis y’é tard pour ceux qui ont des flots, pis la veillée fait juste de commencer pour ceux qui en ont pas. À mon sens, il fait exactement la même heure qu’à cinq heures du matin; il fait noir, y’a du monde deboutte pis y’a du monde qui dort; les oiseaux chantent pas fort, pis je viens de me faire un café.
La maison est tranquille pis j’suis toute seule avec ma tête en face à face avec mes paroles à l’écran. J’aime ça ces heures-là…
Je me suis faite un café. Pas trop fort, question de rêver un peu avant que le soleil se lève.
Je me suis faite un café. C’est de famille de boire du café à des heures qui sont pas supposées être caféinées. Comme de dormir sur des meubles qui sont pas supposés être endormeux, comme de pas brûler la chandelle par le même boutte que tout le monde, comme… comme ben des affaires finalement. C’est de famille; faut ben assumer notre généalogie dans quelque-chose…
Je me suis faite un café histoire de rester dans ma tête encore un peu sans que mes idées s’envolent avec Morphée. Sans que le marchand de sable me fasse payer de la taxe sur mon overtime de la journée.
Je me suis faite un café question de ruminer un peu aussi. Les filles on aime ça se tourner le fer dans la plaie des fois; question de se sentir un peu plus; question d’essayer de trouver une fin qui pourrait ressembler un peu à une histoire pour enfants, aux emmerdes de notre petite vie. Ils disent que c’est beau de rêver…
Moi j’aime bien rêver éveillée; facque je me suis faite un café. Question d’avoir un peu de compagnie dans ma nostalgie; un peu de réconfort dans mon écorchage de plaies (on est maso mais on est pas folles non plus!); question d’avoir, aussi, un peu de chaleur: j’ai laissé la porte-patio ouverte pis l’air est froid.
Je me suis faite un café pis j’attend. J’attend que le sommeil arrive assez pour que j’aille envie d’aller rêver autrement; pour qu’il me call l’heure de puncher la fin de mon chiffre; pour qu’il me punch tout court. De même, j’aurai pas à virailler dans mes couvertes en me disant qu’il est trop de bonne heure pour se coucher à s’t’heure-là un samedi soir…
J’attends pis je me dis que les histoires pour enfants devraient pas exister comme elles existent; que les auteurs devraient être amenés en justice pour publicités mensongères, que ceux qui ont pris la pose pour les images devraient avoir la honte sur leurs consciences et que dans le fond, y’avait juste la sorcière dans Blanche-Neige qui avait compris la game, pis peut-être la méchante belle-mère de Cendrillon aussi…
Je tète mon café un peu plus tiède que chaud pis je me dis que des fois j’aimerais ben mieux être la méchante dans l’histoire; me semble que la belle-mère de Cendrillon est partie avec un cristi de gros magot quand le bonhomme est mort même si la petite princesse avait trouvé son cave charmant, pis que la sorcière doit avoir spotté la cachette des sept gars dans le bois pis qu’elle a dû bookmarker ça dans ses favoris question de s’assurer de pouvoir y retourner au gré de ses hausses d’hormones…
Mais bon…
J’arrive au fond de ma tasse pis ce qui reste dedans m’indique en rien que je vais gagner à la loterie ou quoi que ce soit dans le genre; j’arrive au fond de ma tasse mais pas au fond du baril; pis c’est l’heure de puncher; parce que mon histoire continue demain, parce que j’ai à continuer à l’écrire, parce que les trois bessons qui me donnent des tas de bonnes anecdotes à encrer et qui renversent leur jus sur mes pages après aussi, vont se lever tôt demain et qu’en plus ils sont enrhumés tous les trois…
Saletés d’histoires d’enfants, va! ;o)