Une route parmi tant d’autres.

Je ne sais trop comment l’expliquer, mais, parfois, ça arrive. Plus souvent de nos jours que dans le temps comme qui dirait. Malheureusement d’ailleurs. Mais c’est comme ça. Les chemins se font, se défont, changent, deviennent sinueux ou débouchent sur un beau coin de pays, se brisent ou se pavent, bref, ils suivent l’appel qu’ils entendent et/ou ressentent et se moquent bien de qui les foulent de leurs pas. Ils avancent sans le consentement de qui que ce soit et ne sachant pas eux-mêmes d’avance la direction qu’ils prendront ni où se trouvera le prochain tournant, ils foncent sans se poser de questions et encore moins en demandant leur chemin…

Ainsi vont nos vies. Des routes et des sentiers se croisent, s’entremêlent et donnent des enfants (qu’on tente de faire rentrer dans les rangs…), des chemins sont boueux, d’autres flambants neufs, certains ne mènent nulle part et d’autres aux merveilleuses citées d’or. Des montées, des descentes, des «croches» dans lesquels on se sent obligés de ralentir faute de quoi notre vie en sera le prix à payer; des collines et des Everests nous font flotter sur des nuages (sans oxygène), des descentes en enfer nous donnent l’impression d’un manège titanesque et nous font douter d’un éventuel retour à la surface plane et bitumée…

Lorsque deux chemins se rencontrent, ils ont aussi plusieurs options qui s’offrent à eux. Que dis-je!: ils ressentent fortement la tentation de ne faire soit qu’un et de devenir une toute nouvelle route, soit de ne TENTER que de ne faire qu’un et se battre pendant de longs kilomètres pour déterminer lequel des deux a la meilleure qualité de route et lequel des deux devrait changer, soit encore de rester deux chemins bien distincts et de faire route côte-à-côte, soit de ne se mélanger qu’un peu, quelques cailloux et un peu de boue qui parsèment l’asphalte ici et là, qui vont tous deux dans la même direction, du moins pour un moment, et qui gardent tout de même leur «matériau/identité propre».

Il semblerait que certaines de ces options donnent de meilleurs résultats que d’autres et que les chemins ainsi accompagnés de leurs homologues aient une meilleure tenue de route, si je puis me permettre, et qu’ils se rendent d’autant plus loin. D’autres, qui sont plus à part d’une certaine façon, feront cavalier seul longtemps. Perdus dans des déserts de solitude et dans des mers de tristesses incompréhensibles, aucune boussole ne saura leur indiquer le Nord convenablement, quite à le leur faire perdre plus d’une fois et c’est ainsi que ce n’est qu’arrivés à une certaine maturité géographique qu’ils retoucheront terre et auront la chance de côtoyer de belles vallées. Ou alors ils se noieront et ne feront que s’ajouter aux statistiques mondiales/fédérales/provinciales/municipales/ des échecs de chantiers restés en plan faute de budget et de boussole adéquate… une main tendue aurait pourtant souvent suffit à faire prendre un autre tournant…

Aucun des chemins, des routes, des voies quelles qu’elles soient, ne sait d’avance quelle sera sa trajectoire, si elle s’arrêtera brusquement ou si elle découvrira le monde en long et en large. Mais chacune répond à l’appel de la Vie. Pour un moment du moins. Et comme pour nous, parfois, elle change de direction et laisse tomber le compagnon de route à un changement de décor. Sans autre explication que celle de devoir répondre à l’appel intérieur… peu importe si l’autre chemin se brise, peu importe qui marchait/roulait/courait/voguait dessus…

À quand le prochain tournant?…

« Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément. » de Albert Einstein

Il y a quelques jours, j’ai dû subir une chirurgie abdominale. Chirurgie mineure, mais chirurgie pareil…

Et ça m’a évidemment porté à réfléchir. Une tête comme la mienne se repose rarement! J’avais donc une toute nouvelle situation pour nourrir mon esprit. En fait, c’était la deuxième chirurgie que j’avais à vie. Reste que les questionnements, les peurs et les doutes ont envahi mon crâne et mes trippes, bousculant du coup, bon nombre de mes croyances, de mes certitudes et de mes convictions.

Cette année, j’ai eu 33 ans. Jeune encore me direz-vous. Mais ce 33 ans bien sonné avait une signification particulière dans ma vie. En effet, comme plusieurs d’entre vous le savez, c’est l’âge que mon père avait quand il est entré à l’hôpital il y a de cela plus de 25 ans. Il n’en est jamais ressorti, ou presque, et y est décédé quelques 9 mois plus tard. J’avais 6 ans… En fêtant mes 33 ans, je sonnais donc la même cloche que celle de mon paternel d’une certaine façon. Ma santé à moi est par contre bonne, merci la Vie! Cependant, devant me faire opérer au ventre, je repensais à mon père qui avait eu ses premières douleurs justement là, au ventre. Lui c’était les intestins… Moi, une hernie. Grosse différence. Mais les trippes nous faisaient mal à tous les deux quand même.

Et je me suis mise à me demander si j’allais y passer moi aussi…

Si les médecins découvraient autre chose en opérant? Comme pour lui? Si j’étais arrivée à 33 ans et que je ne devais pas me rendre plus loin que mes 34? S’il y avait des complications durant l’intervention?  Si ma douleur était le symptôme d’autre chose de plus important?

Et mes enfants? Qui s’occuperait de mes enfants s’il devait m’arriver quelque-chose? Si ma vie devait s’arrêter aujourd’hui?

Et ma mère? Ma mère qui a enterré son mari alors qu’elle n’avait que 32 ans et que je soupçonne de ne jamais avoir totalement fait son deuil de lui, survivrait-elle à une seconde tragédie? Tous ces gens avec qui je me suis brouillée? Devrais-je reprendre contact? Faux sentiment de culpabilité? Ou dernière chance?…

Ensuite sont venues les questions existentielles: C’était ridicule de penser que je pouvais mourir à 33 ans uniquement parce que c’était arrivé à mon père, mais si jamais…? Qu’est-ce que j’avais à apprendre d’une situation pareille? Pourquoi ces peurs? Qu’est-ce que je regretterais de ne pas avoir fait dans ma vie? Y avait-il des choses que je devais modifier de mon existence? Remise en question… Est-ce que j’étais satisfaite de qui j’étais? De qui j’étais devenue? De ce que j’avais accompli? De ce que j’avais conquis? Est-ce que le sens que je donnais à ma vie était toujours valable, valide? Devait-il changer? Ma vie avait-elle encore un but? Un sens?…

Et ma santé? Est-ce que j’en prenais soin? Suffisamment? Est-ce que j’en étais satisfaite? Est-ce que si j’avais si peur, c’était justement parce que je savais que je n’étais pas en si bonne forme physique? Qu’est-ce que je pouvais retirer de cette leçon? Y avait-il des choses que je pouvais améliorer dans mon alimentation, dans ma façon de me soigner, dans mon hygiène de vie en général?…

Et enfin, les convictions y sont passées aussi: Celle qui me disait que j’avais un certain contrôle sur ma vie: envolée. La conviction que j’étais là où je devais être dans ma vie: envolée aussi. Celle qui me disait que j’avais réglé tout ce que j’avais à régler: partie en fumée dans le temps de le dire… et bien d’autres y sont passées aussi, dans ce moulin à viande, ce tordeur d’idées qu’était devenue ma pauvre cervelle.

Puis, je me suis mise à respirer. Je me suis dit que je pouvais effectivement mourir. Qu’il était possible que mes 3 enfants se retrouvent orphelins d’un parent; que, comme tout le monde, je n’avais pas toujours fait les bons choix dans ma vie, que j’avais fait ce que j’avais pu avec ce que j’avais; que quelque-part au fond de moi, je faisais confiance. Confiance en la Vie, confiance en ce quelque-chose de plus grand que moi que je ne saurais trop comment nommer… Que si j’étais là où j’étais aujourd’hui, c’est qu’il y avait bien une raison, peu importe laquelle c’était et peu importe que je la connaisse ou pas. Que malgré les erreurs que j’ avais pu faire par le passé, je les acceptais. Que malgré les gens avec qui je m’étais brouillée ou ceux de qui je m’étais éloignée, je l’avais fait par respect de mes valeurs et de mes convictions profondes. Et je me suis aussi dit que de toute façon, je n’étais pas immortelle. Que la seule chose que je pouvais faire, c’était de faire confiance et de faire confiance encore et d’accepter. Accepter la Vie, ou la mort, mes choix, mes erreurs, mon chemin, ma situation, ma Vie, avec un grand V. Que la seule chose que je pouvais faire en sortant de là si jamais j’en sortais, c’était de continuer à tenter de m’améliorer, à continuer de tenter de devenir une personne meilleure à chaque occasion qui m’était offerte, de poursuivre mes buts et mes rêves, encore et encore. Continuer de prendre soin de mes 3 mousquetaires du mieux que je pouvais avec ce que j’avais, ce que j’étais et ce qu’eux étaient aussi. À continuer de faire bien les choses, les choix. Toujours par convictions. Toujours avec cette fougue qui me caractérise. Toujours avec cette Vie et cette énergie qui ne m’ont jamais quitté malgré tout…

C’est tout ce que je pouvais faire…

Et puis je me suis sentie en paix. En paix avec mon paternel mort trop jeune, avec mes démons, mes anges aussi, avec tous ceux qui me regardent de haut parce que je ne fais pas dans les 6 chiffres de salaire annuel, avec tous ceux qui me trouvent bizarre, avec tous les choix et aussi les conneries que j’ai pu faire, avec tous mes bons coups, qu’ils aient été connus des gens ou qu’ils soient restés secrets. Je me suis sentie en paix pour une des rares fois dans ma jeune existence. Et ça goûtait bon…

Finalement, l’opération s’est bien passée. Rien de cancéreux, rien de grave, une opération de routine de 30 minutes pour le doc!

Mon amoureux qui m’avait accompagné jusqu’aux portes du bloc opératoire m’attendait à ma sortie. Il m’a tenu la main. Il a tenu mon coeur. Il avait confiance depuis le début lui. Il m’a écouté lui raconter toutes mes frayeurs, sans broncher. Parce qu’il avait confiance. Et il m’a consolé quand j’ai pleuré le matin de l’opération. Et il a pris soin de moi en revenant à la maison. Il m’a aidé à marcher, à m’asseoir et à me lever, à me laver, à m’habiller. Ça fait quelques jours et je vais mieux. Je peux marcher, me lever seule. Mais je ne peux pas encore aller jouer dehors avec mes enfants. C’est mon homme qui a pris la relève depuis une semaine. Un homme. Un vrai!

Et mes peurs m’ont permis de réaliser plein de choses extraordinaires. Comme ma santé qui n’est pas à son meilleur et dans quel angle je dois corriger le tir; comme de savoir apprécier l’aide de ceux qui m’ aiment; comme mes convictions qui sont encore plus ancrées et que je sais être les bonnes; comme les occasions certaines qui vont se présenter à moi pour faire d’autres gaffes, d’autres conneries et d’autres qui me permettront de faire encore les bons choix, de prendre les bonnes décisions, de continuer à m’améliorer, de me calmer le pompon quand les fils se touchent et surtout, de faire confiance à nouveau…

Autour de mon café…

On est samedi soir.

Pis y’é tard pour ceux qui ont des flots, pis la veillée fait juste de commencer pour ceux qui en ont pas. À mon sens, il fait exactement la même heure qu’à cinq heures du matin; il fait noir, y’a du monde deboutte pis y’a du monde qui dort; les oiseaux chantent pas fort,  pis je viens de me faire un café.

La maison est tranquille pis j’suis toute seule avec ma tête en face à face avec mes paroles à l’écran. J’aime ça ces heures-là…

Je me suis faite un café. Pas trop fort, question de rêver un peu avant que le soleil se lève.

Je me suis faite un café. C’est de famille de boire du café à des heures qui sont pas supposées être caféinées. Comme de dormir sur des meubles qui sont pas supposés être endormeux, comme de pas brûler la chandelle par le même boutte que tout le monde, comme… comme ben des affaires finalement. C’est de famille; faut ben assumer notre généalogie dans quelque-chose…

Je me suis faite un café histoire de rester dans ma tête encore un peu sans que mes idées s’envolent avec Morphée. Sans que le marchand de sable me fasse payer de la taxe sur mon overtime de la journée.

Je me suis faite un café question de ruminer un peu aussi. Les filles on aime ça se tourner le fer dans la plaie des fois; question de se sentir un peu plus; question d’essayer de trouver une fin qui pourrait ressembler un peu à une histoire pour enfants, aux emmerdes de notre petite vie. Ils disent que c’est beau de rêver…

Moi j’aime bien rêver éveillée; facque je me suis faite un café. Question d’avoir un peu de compagnie dans ma nostalgie; un peu de réconfort dans mon écorchage de plaies (on est maso mais on est pas folles non plus!); question d’avoir, aussi, un peu de chaleur: j’ai laissé la porte-patio ouverte pis l’air est froid.

Je me suis faite un café pis j’attend. J’attend que le sommeil arrive assez pour que j’aille envie d’aller rêver autrement; pour qu’il me call l’heure de puncher la fin de mon chiffre; pour qu’il me punch tout court. De même, j’aurai pas à virailler dans mes couvertes en me disant qu’il est trop de bonne heure pour se coucher à s’t’heure-là un samedi soir…

J’attends pis je me dis que les histoires pour enfants devraient pas exister comme elles existent; que les auteurs devraient être amenés en justice pour publicités mensongères, que ceux qui ont pris la pose pour les images devraient avoir la honte sur leurs consciences et que dans le fond, y’avait juste la sorcière dans Blanche-Neige qui avait compris la game, pis peut-être la méchante belle-mère de Cendrillon aussi…

Je tète mon café un peu plus tiède que chaud pis je me dis que des fois j’aimerais ben mieux être la méchante dans l’histoire; me semble que la belle-mère de Cendrillon est partie avec un cristi de gros magot quand le bonhomme est mort même si la petite princesse avait trouvé son cave charmant, pis que la sorcière doit avoir spotté la cachette des sept gars dans le bois pis qu’elle a dû bookmarker ça dans ses favoris question de s’assurer de pouvoir y retourner au gré de ses hausses d’hormones…

Mais bon…

J’arrive au fond de ma tasse pis ce qui reste dedans m’indique en rien que je vais gagner à la loterie ou quoi que ce soit dans le genre; j’arrive au fond de ma tasse mais pas au fond du baril; pis c’est l’heure de puncher; parce que mon histoire continue demain, parce que j’ai à continuer à l’écrire, parce que les trois bessons qui me donnent des tas de bonnes anecdotes à encrer et qui renversent leur jus sur mes pages après aussi, vont se lever tôt demain et qu’en plus ils sont enrhumés tous les trois…

Saletés d’histoires d’enfants, va! ;o)